Lors de la baisse récente des marchés peut-être avez-vous eu l'idée d'augmenter le montant vos investissements jusque-là réguliers. Dans la même logique si les marchés enregistrent une forte hausse, peut-être avez-vous pensé à diminuer le montant vos investissements réguliers. Si vous avez en effet agit comme tel, vous avez fait du Dollar Value Averaging (DVA). Est-ce une bonne idée ? Est-ce que cette manière d'investir est plus efficace que d'investir régulièrement le même montant quoi qu'il se passe sur les marchés (encore appelé faire du Dollar Cost Averaging : DCA) ? En d'autres termes, est-ce que le DVA est supérieur (ou plus optimisé) que le DCA ? Si cette notion de DCA ne vous dit rien, vous pouvez la retrouver dans notre webinaire Bourse !

Avant de vous donner une réponse, rentrons plus dans le détail.

La stratégie DVA repose sur un objectif de valeur de portefeuille croissant à intervalles réguliers. Par exemple, si vous fixez un objectif de 1 000 euros à la fin du premier mois, 2 000 euros au deuxième mois, et ainsi de suite, vous ajustez vos investissements en fonction de la performance du marché :

- Si la valeur de votre portefeuille est inférieure à l'objectif fixé, vous investissez davantage pour combler l'écart.

- Si la valeur est supérieure à l'objectif, vous investissez moins, voire vous pouvez retirer des fonds pour réaligner votre portefeuille.

Cette stratégie vise à capitaliser sur les baisses du marché en achetant plus d'actifs lorsque les prix sont bas, et à éviter de surinvestir lorsque les prix sont élevés.

Avantages théoriques du Dollar Value Averaging :

Le DVA impose une discipline en forçant l'investisseur à acheter plus lorsque les prix sont bas, une technique qui pourrait théoriquement améliorer les rendements à long terme Contrairement au DCA, le DVA est plus réactif aux conditions du marché, permettant des ajustements en temps réel pour atteindre les objectifs fixés. En investissant plus lorsque le marché est en baisse, le DVA pourrait potentiellement offrir de meilleurs rendements si le marché se redresse par la suite.

Les limites du Dollar Value Averaging :

Le DVA nécessite un suivi constant des objectifs de valeur du portefeuille, ce qui peut être compliqué et chronophage. Les ajustements fréquents du portefeuille peuvent entraîner des coûts de transaction plus élevés, réduisant ainsi les rendements nets. En période de baisse prolongée des marchés, le DVA peut forcer l'investisseur à injecter des montants importants pour suivre l'objectif fixé, ce qui peut être financièrement stressant et imprudent.

Alors maintenant, pourquoi le DVA ne fait pas mieux que le DCA ?

Bien que le DVA semble prometteur en théorie, des études montrent qu'il ne surpasse pas systématiquement le DCA en termes de rendement ajusté au risque. Selon une étude référencée sur Wikipédia et menée par Ian Webster (data specialist, tech lead, Nasa, Google...), le DVA ne produit pas systématiquement de meilleurs résultats que le DCA. Cela peut s'expliquer par plusieurs facteurs :

- Volatilité et rendements moyens : le DVA suppose que les marchés corrigent systématiquement à la hausse après une baisse, mais ce n'est pas toujours le cas. Les marchés peuvent stagner ou continuer de baisser, rendant les ajustements du DVA inefficaces.

- Coûts d'opportunité : les investissements supplémentaires requis par le DVA lors des baisses de marché peuvent parfois ne pas être compensés par les gains futurs, surtout si le marché met du temps à se redresser.

- Impact psychologique : le DVA peut imposer un fardeau psychologique supplémentaire à l'investisseur, qui pourrait être tenté de s'écarter de la stratégie en raison de la nécessité d'injecter des capitaux supplémentaires dans des conditions de marché difficiles.

- Coûts de transaction et de gestion : les ajustements plus fréquents et plus importants du DVA peuvent entraîner des coûts de transaction plus élevés que le DCA, érodant ainsi les gains supplémentaires potentiels.

En image :

Valeur finale après des périodes d'investissement de 36 mois pour 1$ dans le SP500, en DVA et DCA, sans attente sur le retour (pas de Taux de Retour Attendu, soit TRA = 0). Chaque point est un mois de départ différent entre janvier 1871 et décembre 2014. Au-dessous de la ligne, le DCA rapporte plus, et au-dessus, le DVA rapporte plus.

Les images montrent la valeur finale après une période d'investissement de 36 mois pour 1 $ dans le SP500, en utilisant le DVA et le DCA, avec un taux de rendement attendu (TRA) de zéro (image ci-dessus) et de 4,35 % par an (image ci-dessous). Chaque point correspond à un mois de départ différent entre janvier 1871 et décembre 2014. Dans le cas du TRA-zéro, le DVA termine avec plus de capital que la DCA 39 % du temps, ce qui donne dans ces cas un avantage moyen de 0,87 %. Le DCA termine avec plus de capital que le DVA 61 % du temps, ce qui donne dans ces cas un avantage moyen de 3,2 %. Le DVA présente un risque de ruine totale non nul. Les points rouges sont ceux pour lesquels l'investisseur utilisant le DVA termine la période d'entrée sur le marché avec moins que rien, perdant 100 % de l'argent et contractant des dettes.

Valeur finale après des périodes d'investissement de 36 mois pour 1$ dans le SP500, en DVA et en DCA, avec une attente de retour de 4.35% (Taux de Retour Attentu, soit TRA = 4,35%). Chaque point est un différent mois de départ entre janvier 1871 et décembre 2014. Au-dessous de la ligne le DCA rapport plus, et au-dessus, le DVA rapporte plus.

Une autre étude du Dr Simon Hayley (économiste et maître de conférence en finances) arrive aux mêmes conclusions dans son étude parue en 2014. Oui, cette étude fait mal au crâne, il y a beauocup de maths !

L'étude appelée "Dynamic Strategy Bias of IRR and Modified IRR– the Case of Value Averaging" (IRR = TRI en français, autrement dit le Taux de Rendement Interne = taux qui prend en compte les flux de trésorerie générés par un investissement sur une période donnée, ainsi que la valeur de revente finale de cet investissement) vise à évaluer l'efficacité des stratégies dynamiques, comme le DVA, en termes de rendement, de risque, et de coût en comparaison avec les autres stratégies classiques d'investissement. Cette stratégie est souvent appréciée des investisseurs en raison de son potentiel à améliorer le taux de rendement interne (Internal Rate of Return, IRR). Cependant, l'étude cherche à démontrer que cette perception est trompeuse et peut entraîner des décisions d'investissement inefficaces.

Cette étude démontre finalement que le TRI et le "TRI modifié" (TRI modifié = modification mathématique pour pouvoir comparer deux investissements d'une durée et d'un montant initial différents) sont des indicateurs biaisés des bénéfices attendus pour toute stratégie dynamique basée sur un objectif de rendement ou un niveau de bénéfice, ou qui prend des bénéfices ou « double les gains » après des pertes. Relisez la phrase précédente tranquillement. Le DVA est un exemple populaire d'une telle stratégie dynamique et cette étude montre qu'elle est inefficace quelles que soient les préférences plausibles des investisseurs en matière de risque et quantifie les pertes de "bien-être" qui en résultent. Le DVA semble être populaire parce que les investisseurs supposent à tort que le TRI attrayant de la stratégie implique une plus grande richesse finale attendue.

Plus en détail :

- L'étude souligne que le TRI et sa variante modifiée, le TRIM, sont des indicateurs biaisés lorsqu'ils sont utilisés pour évaluer des stratégies d'investissement dynamiques comme le DVA. Ces stratégies, qui ajustent les investissements en fonction d'un objectif de profit ou de rendement, peuvent donner l'impression d'une rentabilité accrue via un TRI attractif. Cependant, le TRI ne reflète pas fidèlement les profits attendus ou la richesse terminale, car il ne prend pas en compte le risque supplémentaire ou la volatilité impliquée dans ces ajustements dynamiques.

- L'étude affirme que le DVA est inefficace lorsqu'on l'évalue en fonction de préférences de risque réalistes pour un investisseur. En d'autres termes, lorsqu'on prend en compte la façon dont les investisseurs pondèrent le risque par rapport au rendement, le DVA ne produit pas des résultats optimaux. Cela signifie que les gains en termes de rendement perçu (via le TRI) sont compensés par des pertes en termes de bien-être économique ("welfare losses"), c'est-à-dire la satisfaction globale de l'investisseur.

- L'étude souligne que la popularité du DVA est en partie due à une mauvaise interprétation de ce qu'un TRI élevé implique. Beaucoup d'investisseurs associent un TRI élevé à une plus grande richesse terminale, ce qui les conduit à croire à tort que le DVA est une stratégie supérieure. L'étude montre que cette perception est incorrecte et que le DVA peut en fait entraîner, notamment, des pertes de bien-être pour l'investisseur.

- L'étude conclut que le DVA est une stratégie d'investissement qui semble attrayante en raison de son potentiel à afficher un TRI élevé. Cependant, ce TRI élevé ne se traduit pas nécessairement par une plus grande richesse à la fin de la période d'investissement, surtout lorsque l'on tient compte du risque et de la volatilité impliqués. En fait, l'utilisation de cette stratégie peut entraîner des pertes économiques (marchés baissiers prolongés. D'ailleurs ce point fait écho avec l'étude ci-dessus de Ian Webster) et de bien-être pour l'investisseur, ce qui signifie qu'il pourrait être mieux servi par d'autres stratégies d'investissement moins complexes et moins risquées. L'étude met en garde contre l'utilisation aveugle du TRI comme mesure de performance pour des stratégies dynamiques comme le DVA et recommande une évaluation plus prudente des risques et des rendements réels lorsqu'on envisage une telle stratégie.

En somme, bien que le DVA puisse sembler une stratégie efficace en surface, ses avantages perçus sont souvent surestimés et ne compensent pas les risques et les inefficacités sous-jacents.

En conclusion, le DVA est inefficace comparativement à des stratégies plus classiques comme le DCA et comporte plus de risques. Également, les investisseurs peinent à matérialiser mentalement ces risques qui sont contre-intuitifs et demandent une réelle compréhension des notions fondamentales et avancées de la finance de marché.