Le risque de devise, ou encore appelé risque de change, peut être défini comme le risque que le prix des actifs financiers qu’un investisseur détient en portefeuille soit affecté négativement par la dépréciation d’une (ou plusieurs) devise(s). Ainsi, les investisseurs qui achètent des actions étrangères dans différentes devises doivent prendre ce facteur en compte. Les fluctuations des cours de change des devises peuvent avoir un impact significatif sur vos rendements (que ce soit de manière positive ou négative). J'ai bien mis en gras VOS rendements. Vous verrez pourquoi. Il faut distinguer votre rendement et celui intrinsèque de l'actif. On en parle aussi dans cet article.
Pour illustrer et expliquer ce risque en lien avec les ETF, car oui, cela peut différer des actions par plusieurs dimensions, notamment celle intrinsèque à la structuration même d'un ETF et celle à la durée de détention, je vous propose ce mois-ci un TP pour bien ancrer ce concept.
Nous allons donc faire un QCM avec des études de cas. Youhou des vignettes comme pour les ECN... Il y aura 5 questions. Connaître ces réponses (ou les apprendre maintenant) augmente vos chances de gagner plus (tout en étant bénéficiaire d'un effet anxiolytique). Après tout, lorsqu'il s'agit d'investir, le vrai pouvoir reste la connaissance. Les réponses sont à la fin, mais jouez le jeu ! Les questions sont difficiles, c'est voulu, cela permettra d'aborder le plus de dimensions possibles et notamment les deux citées ci-dessus.
Vignette 1 :
John et Josh sont britanniques expatriées vivant au Luxembourg. Ils gagnent tous les deux des revenus en euros. Le 1er novembre 2021, John a converti 10 000 € en livres sterling. Il investit alors dans le S&P 500 UCITS ETF (VUSA) de Vanguard. Cet ETF est coté au London Stock Exchange (LSE) et son prix est libellé en livres sterling. Selon Morningstar, du 1er novembre 2021 au 31 octobre 2022, cet ETF a chuté de 3,4 %. Comme John, Josh voulait également investir dans le S&P 500 (les 500 plus grandes actions américaines). Il a converti 10 000 € en dollars et a acheté l'ETF iShares Core S&P 500 (IVV). Selon Morningstar, du 1er novembre 2021 au 31 octobre 2022, cet ETF a chuté de 15,50 %. Si, le 31 octobre 2022, ils prenaient chacun leur ETF et reconvertissaient leur prix en euros, qui aurait le plus d'argent ?
A. John aurait plus d'argent parce que son ETF a chuté de 3,4 % et celui de Josh a chuté de 15,50 %.
B. John et Josh auraient à peu près la même somme d'argent.
C. Josh aurait plus d'argent parce que l'euro a beaucoup baissé par rapport au dollar.
Vignette 2 :
Raj et Rajesh gagnent chacun de très petits revenus. Ils décident d'économiser de l'argent pour pouvoir acheter des ETF à la fin de l'année 2020. Raj a placé son argent sur un compte d'épargne indien, en roupies. Il a gagné 6% d'intérêt. Rajesh a placé ses économies sur un compte d'épargne en dollars américains. Il a gagné 0,20% d'intérêt pour l'année.
S'ils convertissaient leur produit dans une devise différente (n'importe quelle devise), lequel d'entre eux aurait plus d'argent ?
A. Raj parce qu'il a gagné 6%.
B. Cela dépendrait de la performance de chaque devise, l'une par rapport à l'autre, au cours de cette période.
C. Aucune des réponses ci-dessus.
Vignette 3 :
Si, d'une part, quelqu'un avait donné 10 000 USD à tous les traders sur actions américaines le 1er janvier 1990, il aurait atteint environ 205 601 USD au 31 octobre 2022 s'il n'avait acheté que des actions américaines et qu'aucun frais n'avait été facturé (c'est-à-dire aucune commission pour les transactions). Si, d'autre part, quelqu'un donnait 10 000 USD à tous les traders forex (marché des changes des devises) du monde le 1er janvier 1990, lequel des montants ci-dessous serait le plus proche de ce qu'il aurait le 31 octobre 2022.
A. Entre 100 000 $ et 200 000 $.
B. Environ 10 000 $
C. Entre 50 000 $ et 90 000 $
Vignette 4 :
Jane gagne son revenu en dollars australiens. Elle investit mensuellement dans un portefeuille d'ETF monde : 60 % d'actions mondiales et 40 % d'obligations mondiales. Ses ETF sont libellés en dollars américains (USD). Au cours de l'année écoulée, l'USD a gagné beaucoup de terrain sur le dollar australien. Supposons que les actions mondiales et les obligations mondiales n'aient pas enregistré de gain ou de perte au cours de l'année écoulée.
Jane…
A. … a perdu en pouvoir d'achat (d'investissement) parce que le dollar australien a chuté par rapport à l'USD (ses ETF sont cotés en USD).
B. … a à peu près le même pouvoir d'achat (d'investissement) parce que les entités qu'elle achète (actions mondiales et obligations mondiales) représentent plusieurs devises, pas seulement le dollar.
C. … a gagné en pouvoir d'achat (d'investissement) parce que le dollar australien a chuté par rapport à l'USD.
Vignette 5 :
L'ETF US Stock Market Index (VTI) de Vanguard est coté à la Bourse de New York et coûte 193 USD. L'ETF US Stock Market Index (VUN) de Vanguard est côté à la Bourse de Toronto en dollars canadiens et coûte 71 CAD. Laquelle des affirmations suivantes est vraie ? (p1 mode activated)
A. Parce que le dollar canadien vaut moins que le dollar américain, quiconque achète l'ETF en dollar canadien obtient un meilleur prix.
B. Que les investisseurs paient 71 CAD ou 193 USD n'a pas d'importance, car ils achètent le même placement au même prix.
C. Étant donné que le dollar américain est plus fort que le dollar canadien, quiconque achète l'ETF en dollars américains obtient un meilleur prix.
Bon fini la torture, voici les réponses !
Pour obtenir un score de 5/5, vous deviez répondre "B" à chaque question en ayant bien entendu la bonne justification !
Vignette 1 :
B. John et Josh auraient à peu près la même somme d'argent.
En effet, cela crée la confusion chez de nombreuses personnes. Elles voient deux ETF qui suivent le même marché, mais il est affiché un retour passé sensiblement différent. Dans ce cas, vérifiez la devise dans laquelle les ETF sont répertoriés et comprenez que la différence de performance perçue n'est qu'un mirage. Dans l'exemple fourni, le S&P 500 UCITS ETF (VUSA) de Vanguard n'a chuté que de 3,4 % du 1er novembre 2021 au 31 octobre 2022. L'ETF iShares Core S&P 500 (IVV) a chuté de 15,5 % au cours de la même période.
Mais, le premier ETF se négocie en GBP et le second en USD. Lorsque deux ETF suivent exactement le même indice, ils obtiendront des rendements très similaires (souvent identiques). Les différentes devises créent cependant un mirage. Dans ce cas, le dollar américain s'est fortement apprécié par rapport à la livre sterling. Cela fait que l'ETF libellé en livres sterling semble être le plus performant. Mais si le produit était converti dans une devise constante (n'importe quelle devise), le montant serait le même. Il faut bien différencier son rendement et celui de l'actif lui-même.
Vignette 2 :
B. Cela dépendrait de la performance de chaque devise, l'une par rapport à l'autre, au cours de cette période.
Si nous plaçons de l'argent dans un compte d'épargne qui rapporte 6% dans une devise, il n'a pas nécessairement surpassé un autre compte d'épargne qui a rapporté, disons, 0,25% dans une devise différente. Cela dépend beaucoup de la façon dont les deux devises se comparent.
Les devises des marchés émergents ont tendance à être volatiles. C'est l'une des raisons pour lesquelles les banques des marchés émergents offrent des taux d'intérêt d'épargne plus élevés. Mais si cette devise s'effondre face à un panier de devises mondiales, l'investisseur dans cette devise n'aurait peut-être pas gagné.
Dans l'exemple fourni, où un investisseur gagnait 6 % en roupies, quelqu'un qui gagnait 0,25 % en USD aurait gagné plus d'argent au cours des 12 mois se terminant le 2 novembre 2022. C'est parce que le dollar américain gagne environ 12 % sur la roupie au cours de cette période.
Vignette 3 :
B. Environ 10 000 $
En tant que groupe, les actions montent. L'immobilier monte. Mais les devises non. C'est pourquoi le trading de devises (forex) est appelé un "jeu à somme nulle". STOP, arrêt sur image. Précision sémantique. "La bourse est un jeu à somme nulle" : NON, pour faire référence à ce point abordé lors de nos séminaires. "Le forex est un jeu à somme nulle" : OUI. En effet, pour chaque gagnant dans un échange de devises, il y a toujours un perdant égal et opposé. C'est pourquoi (contrairement aux actions et à l'immobilier), le rendement global de chaque trader forex dans le monde sera nul. En conséquence, si vous donniez 10 000 dollars à tous les traders forex du monde en 1990, quoi qu'ils fassent, le trader forex type aurait 10 000 dollars d'ici 2022. Certains en auraient plus ; certains en auraient moins. Mais en tant que groupe, ils auraient le même montant (en moyenne) car le trading de devises est un jeu à somme nulle. C'est l'une des raisons pour laquelle, les robots de trading sur le forex (article ici), en plus d'être souvent des arnaques, ne sont pas des investissements long terme, l'espérance de gain étant nulle sur le long terme et sur la loi des grands nombres. C'est pour cela qu'en considérant un investissement en ETF sur long terme, les fluctuations de devises n'ont aucun impact pour vous. A court terme peut-être et encore cela se débat selon l'angle de vision mais oui, vous pouvez vous retrouver avec moins de pouvoir d'achat dans votre monnaie (à l'exception d'un ETF monde), mais à long terme non. Et c'est sans parler de comment est fait votre ETF. Voyez donc la vignette suivante avec un ETF monde.
Vignette 4 :
B. Jane aurait à peu près le même pouvoir d'achat (d'investissement) parce que les entités qu'elle achète (actions mondiales et obligations mondiales) représentent plusieurs devises, pas seulement le dollar américain.
C'est pourquoi la récente baisse du dollar australien (la devise dans laquelle elle gagne son revenu) ne signifierait pas que Jane obtienne une aubaine lorsqu'elle convertit son argent en USD pour acheter son ETF monde. Par exemple, un ETF monde comprend des actions cotées dans plusieurs devises. Certaines sont des actions américaines, en dollars américains. Mais il est aussi composé de plusieurs actions européennes, d'actions canadiennes, d'actions brésiliennes, d'actions néo-zélandaises, d'actions suédoises, d'actions suisses etc... Si le dollar australien chutait beaucoup plus que ces autres devises combinées, elle aurait juste pu en acheter moins pour son argent.
Vignette 5 :
B. Que les investisseurs paient 71 CAD ou 193 USD pour un ETF sur les actions américaines n'a pas d'importance, car ils achètent le même investissement au même prix.
La devise dans laquelle l'ETF est facturé n'a pas d'importance. Ce qui est également sans importance, c'est le nombre de morceaux dans lesquels la pizza est coupée. Par exemple, supposons qu'une pizza coûte 10 $. Elle a 5 tranches. Ces tranches coûtent 2 $ chacune. Cette pizza coûterait le même prix si elle était divisée en seulement 2 tranches, à 5 $ chacune. Les différences de prix et les devises cotées ne sont que des mirages.
Alors, combien avez-vous eu ?
Cette notion de risque de devise appliquée aux ETF et dans une vision long terme est importante à comprendre. En comprenant les implications d'acheter des ETF dans des devises différentes cela vous permet d'y voir plus clair sur ce qu'il vous convient ou pas. L'intérêt d'être en plusieurs devises peut rentrer dans une stratégie patrimoniale de diversification afin de couvrir d'autres risques inhérents aux devises, aux Etats etc. ou encore prendre une devise assez mondiale comme le dollar si vous ne savez pas où vous vivrez plus tard... Mais bon, vous l'avez compris, avec des ETF, sur le long terme et d'autant plus avec un ETF monde, ce risque de devise est fortement dilué, ce qui vous laisse tout un champ des possibles.