Lors de mon précédent article début 2022, je n'explicitais pas vraiment ce qu'était la satisfaction de vivre. Restons simples. Selon Daniel Kahneman, psychologue prix Nobel d'économie et père de l'économie comportementale (oui toujours lui !), le bonheur est une expérience momentanée alors que la satisfaction de vivre est un sentiment long terme basé sur la réalisation de nos buts dans la vie (article). Partant de ce postulat, rechercher le bonheur n'est que peine perdue !
Déroulons l'article avec un exemple historique. Au passage, autant apprendre de nouvelles choses de l'histoire ! Au tournant du XXe siècle, les Vanderbilt faisaient partie des familles les plus riches d'Amérique. Ils vivaient dans de somptueuses demeures. Ils possédaient les plus grands yachts, etc...
Anderson Cooper (journaliste) et Katherine Howe (nouvelliste) décrivent comment cette célèbre famille a vécu dans le livre "Vanderbilt : The Rise and Fall of an American Dynasty". Ils pouvaient acheter et achetaient tout ce qu'ils voulaient. Pourtant, le livre révèle les vies misérables qu'ils ont menées. La plupart d'entre nous n'ont pas d'argent comme Vanderbilt. Mais au moins, en partie, nous partageons la même conviction inébranlable :
Nous pensons que si nous achetons un produit plus grand ou meilleur [mettez ce que vous voulez ici], nous augmenterons notre satisfaction de vivre et nous croyons que les choses chères que nous possédons déjà nous rendent plus heureux.
Malheureusement, lorsqu'il s'agit de possessions, notre cerveau évalue mal le bonheur futur et actuel.
C'est notamment ce que dit Kahneman dans son livre "Think Fast And Slow", "Système 1, Sytème 2, les deux vitesses de la pensée" en français.
Par exemple, Alice Vanderbilt a construit un manoir de 70 chambres. Si, avant qu'elle emménage, nous lui avions demandé : "Alice, seras-tu plus heureuse dans cette maison ?" Elle aurait presque certainement dit: "Oui".
Mais les psychologues comportementalistes démontrent que nous nous habituons rapidement à ce que nous possédons. C'est ce qu'on appelle l'adaptabilité hédonique. Comme une dose de sucre, l'effet positif s'estompe rapidement. En d'autres termes, cette immense maison n'aurait pas amélioré la vie d'Alice.
Mais voici un autre point que nous allons approfondir. Si, après qu'Alice ait vécu dans cette maison pendant un an, nous avions demandé : "Alice, es-tu plus heureuse dans cette nouvelle maison que dans l'ancienne ?" Elle aurait probablement dit : "Oui, tout à fait". Dans la plupart des cas, que vous achetiez une nouvelle voiture, modernisiez votre cuisine, achetiez un bateau ou un jet privé, vous diriez la même chose.
En 2011, dans une étude, une équipe de recherche de la Michigan State University a demandé aux personnes qui conduisaient des voitures chères combien elles les aimaient. Les personnes interrogées ont essentiellement déclaré : "Nous apprécions beaucoup plus nos expériences de conduite avec ces voitures que nous ne le ferions avec des modèles moins chers". Les chercheurs ont voulu savoir si cela était vrai ou s'il s'agissait d'une fausse croyance. Ils ont mené des enquêtes, demandant aux gens d'évaluer régulièrement leur expérience de conduite la plus récente. Il s'avère que les personnes qui possédaient des voitures chères, n'aimaient pas plus les conduire que les personnes qui possédaient des modèles moins chers. Ils se sont simplement habitués à ce qu'ils possédaient.
Le chercheur en chef de cette étude, Norbert Schwarz, déclare : "Lors de l'essai d'une nouvelle voiture, notre attention est concentrée sur la voiture et plus elle est luxueuse, mieux nous nous sentons bien en la conduisant. Cette expérience est réelle, viscérale et fascinante. Ce qui nous manque, cependant, est une chose simple. Une fois que nous possédons la voiture depuis quelques semaines, elle ne capte plus toute notre attention et d'autres choses seront dans nos esprits pendant la conduite. Dès que cela se produit, nous nous sentions tout aussi bien de conduire une alternative moins chère".
La sagesse conventionnelle dit que nous devrions "différer la gratification immédiate" afin de créer de la richesse. En d'autres termes, que nous devrions éviter d'acheter des choses meilleures ou plus luxueuses jusqu'à une date ultérieure. Autrement dit, nous souffrons un peu aujourd'hui pour nous sentir plus heureux demain. Mais la science du comportement suggère que cette devise n'est pas vraie.
Si les possessions n'améliorent presque jamais notre satisfaction de vivre, alors ne pas acheter une voiture de luxe, un nouveau bateau ou refaire nos salles de bains ne nous prive pas de plaisir. Ce concept, cependant, n'est pas vendeur. Presque tout le monde dira : "Je suis différent. Cela ne s'appliquerait pas à moi et à mon [mettez ce que vous voulez ici]". Alice Vanderbilt aurait dit la même chose.
Cependant, si nous pouvons reconnaître nos biais, nous pouvons créer plus rapidement de richesses en disant "non" à des "choses meilleures". Cela peut libérer plus d'argent à investir. Mais, une telle création de richesse, en soi, n'améliore pas la satisfaction de vivre. C'est la manière dont nous dépensons le surplus de richesse généré qui va influer sur ceci ! La recherche comportementale indique que donner de l'argent à des organismes de bienfaisance améliore notre santé et notre satisfaction de vivre. Au même titre, dépenser de l'argent pour des expériences, en particulier avec des personnes que nous aimons, fait la même chose.
Les seules "possessions" susceptibles d'augmenter la satisfaction de vivre sont celles qui peuvent rassembler de manière unique vos amis et vos proches et ce, sur une base régulière. Sinon, ce n'est qu'un énième "truc". Et très souvent, ce n'est pas nous qui possédons nos possessions mais bien ces dernières qui nous possèdent.
Faites le bilan, réfléchissez à tout ceci pour cette année !