"L'immobilier ne va pas bien, est-ce le bon moment pour investir ?", "La Bourse va mal, est-ce le bon moment pour investir ?" ou encore "La conjoncture est mauvaise, est-ce le bon moment pour investir ?". Avez-vous déjà entendu ou vous êtes vous déjà posé cette question ? Cela est normal. Mais essayons de prendre un peu de recul sur celles-ci en prenant un exemple boursier.
Disons que vous craignez que les actions chutent en Bourse du fait des récentes faillites bancaires.
Tout d'abord, il est bon de rappeler que personne ne peut prédire, avec un quelconque degré de précision, comment les actions se comporteront aujourd'hui, demain ou dans 1 an. De nombreux experts s'y sont cassé les dents. Mais l'entreprise spécialisée en conseil et recherche en investissement, CXO Advisory, les a mis à l'épreuve sur une période de sept ans. Elle a suivi 6 582 prévisions boursières faites par les plus grands économistes et experts boursiers du monde. Il s'avère qu'ils n'étaient pas plus précis qu'un enfant de trois ans qui jouait aux fléchettes.
En 2021, Daniel Kahneman (oui toujours lui), Olivier Sibony et Cass R. Sunstein ont publié un livre, "Noise : A Flaw In Human Judgment", que l'on pourrait traduire par "Le bruit : une faille dans le jugement humain". Dans ce livre, Ils font référence à une étude trimestrielle qui cherche à savoir si les directeurs financiers des sociétés cotées en Bourse du S&P 500 peuvent prédire les performances du S&P 500 au cours de l'année à venir. Dans cette étude, toujours en cours, les directeurs financiers sont invités à fournir deux chiffres : une fourchette minimale et une fourchette maximale pour le S&P 500. Jusqu'à présent, le rendement du marché s'est situé dans cette fourchette seulement 36 % du temps. Si les principaux économistes du monde et les directeurs financiers des entreprises directement concernées ne peuvent pas prédire un tant soit peu la performance des actions, il y a peu d'espoir pour le reste d'entre nous.
Oui, soyons humbles, nous pourrions avoir de la chance. Même une horloge cassée est juste deux fois par jour. Il y a deux raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas prédire le marché.
L'une est basée sur l'économie. Nous ne pouvons tout simplement pas voir l'avenir.
La seconde est basée sur la façon dont les êtres humains réagissent aux nouvelles économiques. En d'autres termes, même si Nostradamus pouvait, avec une précision extrême, fournir des données sur les taux d'intérêt futurs, la croissance du PIB, les chiffres de l'emploi, la rentabilité des entreprises individuelles et les politiques gouvernementales, nous ne pouvions toujours pas prédire la performance des actions. C'est parce que l'économie ne fait pas bouger le marché boursier. Les êtres humains le font. Oui, les fluctuations des marchés financiers ne sont que le reflet des comportements et actions humaines. Et même s'il y a des robots de trading dans certains cas, les algorithmes se basent sur un rationnel défini par... l'humain.
En avril 2020, lors de la pandémie, plus de personnes (banques centrales incluses) ont apporté plus d'argent sur les marchés qu'elles n'en ont retiré. C'est pourquoi la valeur des actions a grimpé en flèche au cours de l'une des années les plus difficiles de l'histoire économique. Personne n'avait prédit cela. Nous ne pouvons pas non plus prédire les résultats humains même lorsque nous disposons de modèles spécifiques et d'une grande quantité de données (pour l'instant).
Voici un exemple concret :
"L'étude "Fragile Families and Child Wellbeing" qu'on pourrait traduire par "L'étude sur les familles fragiles et le bien-être des enfants" (doi: 10.1353/foc.2010.0002) a été conçue par une équipe de l'Université de Princeton. Il s'agissait d'une étude longitudinale à grande échelle qui suivait les enfants de leur naissance à leurs quinze ans. Les données portent sur les parcours scolaires et professionnels des parents et des grands-parents. Cette étude recueille aussi les détails sur la santé de tous les membres de la famille ainsi que des détails sur leur statut financier et social. D'autres données proviennent de multiples questionnaires ainsi que de tests sur les aptitudes cognitives et la personnalité. Plus de 750 articles scientifiques font référence à cette étude. Beaucoup de ces chercheurs ont utilisé ces données pour expliquer quels facteurs pourraient conduire à de meilleures notes scolaires ou à un casier judiciaire rempli. Mais ces chercheurs étaient comme des experts du marché boursier qui disaient : "Les actions se sont effondrées en 2008 à cause des facteurs A, B et C, tous convergents". Les experts le font même quotidiennement, expliquant pourquoi le S&P 500 a augmenté ou diminué un jour donné, en fonction de quelque chose qui s'est passé avec les bénéfices des entreprises, la politique, la baisse des taux d'intérêt ou le taux de natalité des ornithorynques ce jour là.
Cela ne vient pas seulement du désir des analystes et des réseaux d'affaires d'avoir l'air super intelligent rétrospectivement. Les humains ont simplement besoin de donner un sens au monde, alors nous inventons des histoires pour expliquer pourquoi les choses se sont produites. Mais autant qu'elles puissent avoir un sens, ces histoires sont généralement des illusions.
Les chercheurs de Princeton voulaient savoir dans quelle mesure les spécialistes des sciences sociales pouvaient prédire les événements de la vie des participants. Ils ont invité des équipes de chercheurs à concourir pour voir lequel pourrait le mieux prédire les résultats de la vie des enfants. Chaque équipe a reçu toutes les données sur plusieurs familles. On leur a demandé, dans chaque cas, comment ils pensaient que les événements pour des familles spécifiques se dérouleraient. Le rapport final comprenait les résultats prédictifs de 160 équipes qualifiées. Certaines de ces "équipes qualifiées" étaient des algorithmes informatiques (et oui !), comme ceux qui tentent de prédire les mouvements des marchés boursiers. Malheureusement, toutes les données du monde n'ont pas permis aux experts de prédire l'avenir de ces familles. La conclusion indiquait ceci : "Les chercheurs doivent concilier... qu'aucune des prédictions n'était très précise."
Ce n'est pas différent avec le marché boursier. Nous ne pouvons pas prédire l'économie future. Et même si nous le pouvions, nous ne pouvons pas prédire comment les gens réagiront à ces facteurs économiques.
Alors voici, ne demandez ni ne cherchez pas d'approbation ou d'avis sur Facebook, ne cherchez pas d'avis sur Twitter ou sur n'importe quel autre forum. Ne cherchez pas non plus d'avis sur Bloomberg, Morningstar ou autres... Éteignez et éloignez-vous du bruit. Investissez dès que vous avez de l'argent. Et investissez le aussi régulièrement que possible.