Quoi de mieux qu'un exemple boursier pour parler de biais cognitifs ? Vous allez voir !
"Les marchés vont mal, les marchés vont s'effondrer", "c'est une époque sans précédent, la finance mondiale va très mal". On entend ces déclarations tous les jours. De nombreux experts expliquent pourquoi le marché va s'éffondrer tel ou tel jour. Pour rappel, les experts des marchés financiers se trompent une à deux fois sur trois. Cependant, leur discours a un réel impact psychologique chez la plupart des investisseurs qui vont alors adopter tel ou tel comportement. Surtout que, les analyses et les discours sont souvent rédigés au conditionnel. Forme grammaticale parfaite pour laisser libre cours à chacun d'interpréter comme il l'entend et selon ses propres biais cognitifs.
Un biais cognitif est une déviation dans le traitement cognitif d'une information. C'est un schéma de pensée trompeur et faussement logique. Cette forme de pensée permet à l’individu de porter un jugement, ou de prendre une décision rapidement. Les biais cognitifs influencent nos choix, en particulier lorsqu’il faut gérer une quantité d’informations importantes ou que le temps est limité. Il se produit ainsi une forme de dysfonctionnement dans le raisonnement. Quelle meilleure situation qu'un évènement sur les marchés boursiers pour illustrer ceci ?
Intéressons nous à deux biais :
Le biais d’information est la tendance de croire que plus nous collectons d’informations pour prendre une décision, meilleur sera notre choix. Cela fonctionne même si les informations supplémentaires récoltées sont inutiles. Nous cherchons souvent à obtenir plus d’informations même si ces informations ne peuvent pas vraiment influencer nos décisions ou nos actes. Avoir plus d’informations nous rassure tout simplement. Ici encore, le parallèle avec les marchés boursiers est assez aisé à faire.
Le biais de confirmation est la tendance naturelle qu'a un individu à privilégier les informations qui confortent ses préjugés, ses idées reçues, ses convictions, ses hypothèses. Encore une fois, assez facile de prendre en exemple les marchés financiers.
Les deux biais cognitifs cités ci-dessus sont les plus fréquemment retrouvés dans ce qu'on apelle "la psychologie de l'investisseur". Comme vous le voyez, les deux fonctionnent bien ensemble et le biais de confirmation va venir renforcer le biais d'information. Illustration en image :
Si on en revient à nos marchés, boursiers ou non, l'année 2022 ressemble à un film d'horreur ou au mieux à une mauvaise blague... Actions, obligations, cryptos etc... tout ou presque a fini dans le rouge. L'inflation s'en est donnée à cœur joie, la guerre en Ukraine a continué de secouer le monde et les prix du carburant ont atteint des niveaux hallucinants.
Vous savez que j'aime la narration pour cette rubrique mindset et donc... c'est parti pour une nouvelle histoire !
En ce moment, entre une année 2022 cauchemardesque, la guerre en Ukraine, la déclaration de faillite de la Sillicon Valley Bank, le vacillement de Crédit Suisse, peut-être que vous vous couchez en pensant aux marchés. Vous vous dites qu'avant tout était plus simple et que les modèles d'investissement du passé ne sont sans doute plus valables de nos jours. Vous prenez quand même votre téléphone et vérifiez les rendements historiques du marché boursier mondial depuis 45 ans (selon composition similaire à un ETF monde, données maximales). De 1978 à 2003, les actions mondiales ont performé en moyenne de 10.63% par an. "Normal" vous dites-vous, "à l'époque, les temps étaient normaux". Frustré, vous dites à voix haute : "Au vu de l'inflation, de la baisse des marchés, de la fragilité du système bancaire, de l'instabilité politique d'aujourd'hui, cela serait fou d'investir mon argent".
Vous vous endormez.
Mais à minuit, vous sentez une présence dans votre chambre.
C'est le vieux sorcier ! Encore lui ! Et non, il n'a pas fini de vous martyriser. Vous pouvez retrouver toutes ses interventions fantasques ici, ici ou encore ici. Si vous aimez les histoires, go !
Il penche la tête. Il hausse ses sourcils broussailleux. Et d'une voix sourde et profonde digne d'un Gandalf ou Dumbledore en pleine forme, il vous demande : "Vous auriez préféré le bon vieux temps, il y a 45-50 ans, lorsque l'inflation, les marchés, l'économie et la politique étaient plus stables et prévisibles ?"
"Oui", répondez-vous.
Le sorcier ressort une nouvelle fois sa majestueuse baguette (si vous avez pensez à autre chose, tant pis pour vous) et fait apparaître un journal dans vos mains. Il vous le prend et vous tape gentiment sur la tête avec. Il déclare en lisant son journal : "En 1973, l'inflation au Royaume-Uni a atteint 10 %. En 1974, elle a atteint 19 %. En 1975, le Royaume-Uni aurait aussi bien pu être l'Argentine. L'inflation a atteint 24 %. Si vous pensez que les salaires se sont maintenus, je vais encore vous frapper, mais plus fort. Les années civiles de 1976 à 1980 ont vu l'inflation augmenter de 15 %, 12 %, 8 %, 17 % et 15%. La plupart des pays du monde ont fait face à une inflation galopante.
Vous avez mal à la tête et votre orgueil est, eh bien, un peu blessé. À votre grand soulagement, le vieux sorcier disparaît.
Tout comme lui, le fils du vieux sorcier apparaît. Oui, j'ai décidé de jouer aux jeux des 7 familles avec cette histoire.
Il porte une magnifique baguette. Il vous chuchotte à l'oreille : "Les marchés boursiers mondiaux ont chuté d'environ 50 % entre 1973 et 1974."
Puis il vous tape la tête avec sa baguette (honte à vous si vous avez pensé à autre chose).
Sonné, mais voulant garder un peu de fierté, vous contrez. "Les groupes politiques de gauche menacent désormais la stabilité et les profits économiques."
Juste à ce moment-là, le père du vieux sorcier apparaît et il n'a pas l'air content du tout. Il vous étale brutalement une carte mondiale du communisme et vous assène : "Le communisme s'est répandu presque toutes les décennies à partir de 1917. Il a atteint un pic au début des années 80, avant de reculer rapidement".
Il vous donne un coup de son bâton magique dans les côtes et disparaît.
Puis le frère du vieux sorcier apparaît. Il anticipe votre pensée. "Je suppose que maintenant vous allez vous plaindre des augmentations du prix du carburant et des pénuries d'énergie causées par la guerre ?"
Il vous tape les genoux avec son bâton.
"Il y a eu un embargo pétrolier en 1973", dit-il. "Les Américains devaient parfois attendre plusieurs jours pour faire le plein de leurs voitures. Les prix du pétrole ont culminé en 1980 lorsque l'URSS a envahi l'Afghanistan. Cela vous semble familier ? Le pétrole en 1980 était 76 % plus cher qu'il ne l'était en février 2023, après ajustement à l'inflation".
Avant qu'il ne disparaisse vous lui posez une question : "Qu'en est-il de la hausse des taux d'intérêts ? En 2023, tous les taux ont augmenté et même en immobilier !".
Le frère du vieux sorcier disparaît, il n'avait pas de réponse à cette question.
À ce moment-là, une femme, la sœur du vieux sorcier, vous met son chapeau dans votre bouche pour vous sommer de vous taire (honte à vous encore si...).
"Au début des années 1980, j'avais un crédit immobilier qui facturait 18% d'intérêt !"
Soudain, vous vous sentez courageux, vous crachez le chapeau et criez : « Et l'euro qui coule ou la livre sterling ?
Aussi rapide que l'éclair, elle vous remet le chapeau en bouche.
"En 1985, l'euro a chuté à 0.65 USD (extrapolation). En 1985 la livre sterling a chuté à 1.06 USD. C'est bien moins qu'aujourd'hui", dit-elle.
Vous ne dites plus rien et avez peur que celle-ci vous frappe, mais elle ne le fait pas !
Elle conclue et cela sera ma conclusion :
La période de 12 ans de 1973 à 1985 a été une période sans précédent. Mais au cours des 30 années allant de 1973 à 2003, les actions mondiales ont performer en moyenne de 11.81% par an. En vérité, il n'y a jamais eu de période calme et cohérente. Tous les deux ans, quelque chose (parfois plusieurs choses) se produisait qui ne s'était jamais produit auparavant. Et parfois, ces événements étaient horribles : la grande dépression, la première guerre mondiale, la seconde guerre mondiale, la guerre froide, la crise des missiles cubains de 1962, les guerres de Corée et du Vietnam, les guerres balkaniques, la crise financière de 2008, la crise sanitaire de 2020, les combats en cours au Moyen-Orient, la guerre actuelle en Ukraine. Cependant, au cours de chaque période historique de 30 ans, les actions mondiales ont obtenu d'excellents rendements (outil de backtest). Cette performance ne s'est pas manifestée tous les ans, mais les rendements sur une seule année ne sont que des distractions par rapport à un plan à long terme. Ce n'est que du bruit. Les temps sans précédent sont normaux. Ils seront toujours normaux. Alors faut-il investir ?
Absolument. Vous ne savez jamais ce qui pourrait se passer si vous ne le faites pas. Ignorez notre tendance naturelle à aller vers le biais d'information et le biais de confirmation. Pensez long terme, ignorez le bruit.